
Depuis quelques jours, le dragonnet occupait la plupart du temps libre de Sven, au grand dam de Gunnar, ou encore de Hakon, qui ignoraient évidemment tout de son existence. En fait, le garçon s'était efforcé de construire une espèce d'enclos rudimentaire au centre duquel il avait placé un poteau auquel était attaché ledit Dragon. Mais Sven se rendit bien vite compte que ces mesures n'étaient pas du tout nécessaires tant qu'il lui apportait à manger – du poisson la plupart du temps. Au fur et à mesure, l'enclos devint un véritable laboratoire d'étude, que Sven ne tarda pas à élargir à la forêt toute entière. Là, il suivait le dragonnet et prenait des notes tout en l'observant.
- Bien peu de personnes pourraient se vanter d'un tel exploit, se dit-il. Je suis sans doute le premier scientifique du genre qui ait la chance d'observer un Dragon d'aussi près sans aucun risque.
Enfin, il avait parlé trop vite. Le petit reptile ne maîtrisait pas encore son feu – loin de là –, ce qui entraînait des embrasements imprévus et parfois problématiques – surtout quand c'était le jeune homme qui prenait feu. En conséquence de quoi le Nordique avait dû prévoir tout un système d'aqueduc sommaire et d'extincteur de poche – un seau d'eau. Pour ce qui concernait les morsures, il ne se faisait pas trop de soucis. Et puis, il avait des gants au cas où, mais le bébé Dragon n'eut jamais l'idée d'attaquer son bienfaiteur fournisseur de nourriture.
- Pourquoi les gens se comportent-ils de façon différentes dans les autres régions ?
- Humpf, encore ces questions ! grommela Gunnar. Tu penses trop, Sven ! Si tu frappais le fer autant que tu parlais, je pourrais m'accorder des vacances.
- Je me disais juste que c'était étrange que des personnes puissent honorer... voire même vénérer des Lókis.
- Tout simplement parce qu'ils ne sont pas comme nous. Certains se sont laissés soumettre par ces bêtes, des illuminés si tu veux mon avis. D'autres, comme nous, les guerriers du Grand Nord, ou encore les hommes du Lointain Sud, ont décidé de lever leur bouclier et de riposter. C'est comme ça.
- Cela signifierait peut-être que les dragons changent également de comportement selon l'endroit. Imaginons... que là où on les vénère, ils se montrent bienveillants ?
Gunnar porta la main à son c½ur.
- B... Bien... Bienveillants ?! éructa-t-il. M'enfin mon garçon, tu es en train de perdre l'esprit ! Un Dragon reste un Dragon, qu'importe la région ! S'ils ne tuent pas les hommes qui les vénèrent, c'est pour les asservir ! Et une fois qu'ils n'en auront plus besoin... ils les bouloteront ! C'est inscrit dans leurs gènes ! Tout Dragon qui rencontre un Humain se doit de le tuer. Et donc, tout Humain tombant sur un Dragon se doit de l'abattre. C'est de la légitime défense !
- On mange aussi de la chair de Dragon..., marmonna Sven.
- C'est parce qu'ils dévorent nos animaux ! Ce n'est qu'un juste retour des choses. Maintenant, au lieu de déblatérer des inepties hérétiques sorties de ton esprit de jeune pré-pubère perturbé, AU TRAVAIL !!! Quant à moi, il faut que je sorte, toute cette bêtise m'étouffe !
Sven soupira. Décidemment, Gunnar n'y comprendrait jamais rien. On voyait bien qu'il ne côtoyait pas un Dragon. Enfin, à présent qu'il était parti, Sven pouvait s'éclipser afin d'aller voir ce qui se tramait du côté de son petit protégé, sans se douter le moins du monde que ses allées et venues quotidiennes pouvaient se montrer suspectes. Une fois arrivé sur place, il appela le Dragon et lui présenta un bon gros morceau de poisson, quand il entendit un craquement derrière lui.
- Asulf...
Ce dernier observa tour à tour notre jeune ami et le dragonnet et, blême de terreur, s'enfuit en courant.

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